Bernard Heuvelmans, père de la cryptozoologie

Havrais par hasard

La plage du Havre avec l’immeuble du Nice havrais au centre du cliché

Bernard Joseph Pierre Heuvelmans est né en 1916 au Havre, où son père, fonctionnaire natif d’Anvers, et sa mère, d’origine néerlandaise, avaient suivi le gouvernement belge, chassé par l’invasion allemande et réfugié au « Nice havrais », immeuble situé dans la banlieue chic du Havre. En Belgique où la famille était retournée après la guerre, Bernard s’intéressa au jazz et poursuivit parallèlement des études universitaires à l’ULB, qui le conduisirent à l’obtention en 1939 d’un doctorat de zoologie avec une thèse intitulée « Contribution au problème de la dentition chez les ongulés aberrants (Tubulidentés et Siréniens) », travail centré particulièrement sur la dentition de l’oryctérope, animal quelque peu étrange mais bien réel. Loin de se lancer toutefois dans une carrière universitaire, il mena ensuite une existence plutôt bohême, de journaliste scientifique, d’écrivain et de musicien de jazz. En 1948, il prit connaissance des travaux d’Ivan Sanderson, zoologue et explorateur, concernant la possible perduration d’animaux disparus. Désormais installé à Paris, il se lança sur cette voie de recherche et rédigea sur le sujet plusieurs ouvrages à succès, tels que « Sur la piste des bêtes ignorées » publié en 2 volumes chez Plon en 1955 et qui fit un carton auprès du grand public, puis « Dans le sillage des monstres marins : Kraken et poulpe colossal » (1958) et « Le grand serpent de mer, le problème zoologique et sa solution » (1965). Il anima une émission de télévision française titrée « Sherlock au zoo » et une émission radiophonique sur France Inter : « Les coulisses de l’Arche de Noé ».

Acte de naissance de Bernard Heuvelmans au Havre (AD de Seine-Maritime)

Il fut brièvement marié avec l’artiste belge Monique Watteau, écrivain et peintre (fille du poète Hubert Dubois) qui illustra certains de ses ouvrages. Cette auteure de littérature fantastique, dont la vie est aussi plutôt rocambolesque, est connue aussi sous le pseudonyme d’Alika Lindbergh, du nom de son second mari, Scott, un autre zoologue dont le père n’était autre que le célèbre aviateur aux penchants idéologiques douteux.

Ami d’Hergé avec lequel il partageait la passion du jazz,  Heuvelmans collabora à plusieurs albums de ce dernier, dont l’Etoile mystérieuse et surtout Tintin au Tibet, pour lequel il fournit la documentation concernant le yéti.

Un homme relique du Paléolithique

Fin 1968, alors qu’il se trouve aux Etats-Unis chez son ami Ivan Sanderson, une information leur parvient concernant  l’exhibition, dans une foire du Minnesota, d’une créature humanoïde velue congelée dans un bloc de glace. Heuvelmans et Sanderson  se rendent sur place pour étudier l’anthropoïde et rencontrer le forain, Franck Hansen, un ancien militaire vétéran du Vietnam. Celui-ci, très réticent à un examen scientifique, leur sert plusieurs versions assez rocambolesques des circonstances de la découverte, tantôt effectuée dans le détroit de Béring par un chalutier soviétique qui se serait fait confisquer le bloc de glace par les autorités chinoises, tantôt repêchée par des baleiniers japonais avant d’entrer dans la possession d’un magnat d’Hollywood…  Heuvelmans, après avoir examiné le corps à travers la glace, arrive à la conclusion qu’il s’agit d’une créature réelle et non d’une chimère artificielle, et qu’elle a été abattue récemment. Il y voit le représentant d’une espèce humaine fossile et publie en 1969 une note dans une revue scientifique belge fort sérieuse (le Bulletin de l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique), baptisant la créature sous le nom d’Homo pongoides. Par la suite, il publie en 1974, en collaboration avec l’historien russe Boris Porchnev (spécialiste reconnu des soulèvements populaires en France sous l’Ancien Régime) un ouvrage au titre accrocheur, destiné au grand public : « L’Homme de Neandertal est toujours vivant », toujours chez le même éditeur qui s’était spécialisé dans les ouvrages consacrés à l’occultisme. Entretemps, Hansen avait fait disparaître le corps, malgré les efforts d’Heuvelmans pour le récupérer, et malgré l’intervention du Smithsonian Institute et même (paraît-il) du FBI. Il l’avait ressorti brièvement en 1969-1970, le présentant dans des foires aux Etats-Unis et au Canada, avec une nouvelle version de son histoire. La presse qui s’était emparée de l’affaire en fit ses choux gras.

Annonce d’eBay en 2013 (copie d’écran)

L’histoire connut encore un rebondissement en février 2013, lorsque le « Bigfoot » reparut… sur eBay, au prix de 20.000,00 $… et en juillet de la même année, quand le Museum of Weird d’Austin (Texas) déclara avoir acheté « l’Homme du Minnesota » à Hansen.

La cryptozoologie institutionnalisée

Si le terme de cryptozoologie a été employé pour la première fois par Sanderson, c’est Heuvelmans qui en donna une définition claire et popularisa ce domaine d’investigations. Il crée en 1975 le Centre de Cryptozoologie, d’abord installé en Dordogne puis transféré au Vésinet. En 1982, lorsque fut créée à Washington D.C. l’International Society of Cryptozoology, Heuvelmans en fut tout naturellement élu président. L’ISC a cessé d’exister en 1998, trois ans avant la mort d’Heuvelmans, survenue le 22 août 2001. Elle a été remplacée, en 2016, par l’ICS (International Cryptozoology Society) : http://www.cryptozoonews.com/ics-2016-pt1/

L’okapi, symbole choisi par l’ICS

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