La première édition de l’Oktoberfest se tint à Münich le 17 octobre 1810 à l’occasion des noces du roi Louis Ier de Bavière (le grand-père du fameux bâtisseur de châteaux). Cette fête annuelle dure quinze jours et offre l’occasion pour les participants d’arborer la tenue traditionnelle bavaroise : Dirndl (étymologiquement : fille) pour les femmes, Tracht (littéralement : costume) pour les hommes, dont l’usage a été relancé en Bavière à l’époque contemporaine par l’instituteur Josef Vogl en 1883. Il a été remis à la mode des années plus tard plus tard par l’opérette L’auberge du Cheval blanc, créée à Berlin en 1930. Signe du regain d’intérêt récent pour ce costume, la maison de mode allemande Hugo Boss (fondée avant la Seconde guerre mondiale par un membre du parti nazi) proposait des tenues traditionnelles bavaroises dans son catalogue automne/hiver 2018.
O’zapt is (nicht) !
L’édition 2020 de l’Oktoberfest devait être inaugurée le samedi 19 septembre par un défilé de calèches des différentes brasseries, décorées et occupées par les serveuses en costume et les familles des aubergistes, à travers les principales artères munichoises jusqu’au Theresienwiese, vaste champ de foire de 42 hectares où se tient usuellement la fête de la Bière, véritable ville dans la ville (https://www.oktoberfest.net/). Le dimanche un défilé plus important, autour de la vieille ville, devait réunir des participants en costumes traditionnels, des tireurs sportifs, des bestiaux des élevages locaux, des fanfares, des chariots décorés et des attelages. Le signal des festivités (et des beuveries, disons-le franchement) devait être la mise en perce d’un tonneau de bière par le maire de la ville à l’intérieur de la Schottenhamel, au cri de « o’zapt is ! » (littéralement, c’est tiré). L’épidémie de coronavirus aura eu raison de cette manifestation comme de toutes les grandes réjouissances de 2020 à travers le monde : l’Oktoberfest n’aura pas eu lieu cette année, pour la première fois depuis la Seconde guerre mondiale. Ne nous laissons pas démoraliser par les Cassandre et les pisse-vinaigre et enfilons culotte de peau ou corsage à décolleté généreux.
Défense et illustration de la culotte de peau
Le Tracht (d’inspiration cynégétique et fortement déconseillé aux végans…) comprend avant tout le Lederhose (littéralement : pantalon de cuir) qui est un pantalon à pont en peau de cerf ou de chamois, voire de chèvre, de veau ou de porc, orné de broderies oude cuir repoussé et décliné en 3 variantes : kurze Lederhose, s’arrêtant au-dessus du genou, Kniebundlederhose, s’arrêtant au-dessous du genou et lange Lederhose, arrivant à la cheville ; la poche à couteau –Messertache– est placée sur le côté droit. Les côtés, partiellement fendus sur l’extérieur, sont lacés de liens de cuir ou boutonnés. Les boutons sont en bois de cerf. Les thèmes décoratifs du Tracht les plus fréquents sont le lion bavarois, l’aigle allemand, le cerf, l’edelweiss et les motifs végétaux tels que des branches de chêne. La patine du cuir donne toute sa valeur au Lederhose, qui se transmet souvent dans les familles de génération en génération.
Les bretelles –Hosenträger– en cuir et décorées sont le complément obligé des Lederhosen (bien qu’on puisse aussi porter ceux-ci avec une ceinture) ; elles sont souvent ornées d’un camée en bois de cerf figurant un edelweiss. Le Charivari est une chaîne en argent longue de 33 cm, ornée de breloques telles que des pattes, dents ou griffes d’animaux, des os péniens, des pointes d’andouiller de cerf ou des cornes de chamois, des pierres semi-précieuses ou des médaillons et figurines en argent (Berlocken), qui est portée en ornement sur le pont du pantalon. Traditionnellement, sa confection était personnelle et l’ornement se transmettait de génération en génération ; il jouait à la fois le rôle de porte-bonheur (à la chasse) et d’insigne de prestige social. Le nombre d’ornements est au minimum de 5 et il doit toujours rester impair.
La chemise (Trachtenhemd) est blanche ou à carreaux colorés, complétée de la Trachtenweste (gilet boutonné –avec des boutons en bois de cerf, bien sûr) et du Trachtenjanker (cardigan, souvent de couleur grise, dont les bords sont ourlés de vert).
Le chef est coiffé du Trachtenhut (chapeau de feutre avec bande, orné du Gamsbart, trophée de chasse constitué d’un plumet de poils de chamois dont la longueur détermine le prestige de son propriétaire, ou de Spielhahnfeder, plume de coq de bruyère, ou d’Adlerflaum, duvet d’aigle).
So tanzt wir den Schuhplatter !
Aux pieds, on porte des chaussettes montantes épaisses en laine ou des Loferl (chaussettes en deux parties, composées de socquettes et de courtes jambières couvrant le mollet) et des Haferlschuhe (chaussures en cuir à pointe renforcée et semelle cloutée, à laçage excentré sur l’extérieur du pied), indispensables pour danser le Schuhplattler (littéralement : frappe de chaussures) ! Cette danse masculine traditionnelle, qui tient aussi de la compétition démonstrative (à l’instar de la capoeira ou du moringue) s’accompagne de force frappes de pieds et claquements de main en rythme sur les cuisses, l’extérieur et l’intérieur du pied.
Dirndl pour les femmes
Le costume féminin (Dirndl) est un ensemble composé d’un corsage recouvert d’un corselet et d’une jupe recouverte d’un tablier. Sa variété tient à la forme du corsage et aux couleurs de la jupe, du corselet et du tablier.
Le corsage (Dirndlbluse) est blanc à manches courtes, orné de dentelles ou de volants. Il est souvent décolleté en U ou en cœur pour mettre en valeur la poitrine, même lorsqu’il y a « peu de bois dans la cabane », selon l’expression allemande -et qu’on me pardonne cette remarque un tantinet phallocratique. Le col peut être un col cygne ou un col Blanche-Neige.
Le corselet (Trachtenmieder) est souvent de couleur vive (rouge, bleu ou vert), largement échancré en U, de façon à laisser voir le chemisier et lacé devant avec un ruban de soie -voire une chaînette- passé dans des crochets métalliques ornés (Miederhaken).
La jupe (Trachtenrock), ample, est assortie au corselet (quand les deux pièces ne sont pas remplacées par une robe serrée à la taille et fermée à l’arrière). Sa longueur varie mais elle descend généralement au niveau du genou.
Le tablier (Dirndlschürze) couvre tout l’avant de la jupe et descend jusqu’à quelques centimètres au-dessus de l’ourlet de celle-ci ; il est attaché par un large ruban. La position du nœud obéit traditionnellement à un code (Schleifen-ABC) destiné à envoyer un message à la gent masculine : les veuves le portent dans le dos, les femmes célibataires sur le côté gauche, les jeunes filles vierges devant et les femmes déjà engagées nouent leur tablier sur le côté droit (https://www.adlermode.com/magazin/anleitung_dirndl-schleife-richtig-binden/).
Le costume peut être complété par un collier ou un ruban ras-du-cou. Comme les hommes, les femmes peuvent porter un gilet cintré, à boutonnage simple (Trachtenjacke), dont la forme rappelle celle de la veste masculine.
Pour en savoir plus :
- http://valtal.fr/docs/clerccollec_2013_La%20tradition%20du%20costume%20folklorique%20bavarois.pdf
- http://lederhosepiraten.canalblog.com/
- https://www.krueger-dirndl.de/de/damen
- Adresses de vendeurs münichois (Angermaier, Lodenfrey, Daller Tracht, Bär, Alpenglühn, etc .) sur le site : https://www.muenchen.de/shopping/trachten.html
- le site de Franz Stangassinger, fabricant à Berchtesgaden : https://www.lederhosenmacher.com/
- pour composer votre charivari : https://www.trachtenschmuck-ammersee.de/
- https://www.trachten-angermaier.de/
- http://www.trachten-gach.de/
- https://trachtl.de/
- une démonstration de schuhplattler : https://www.youtube.com/watch?v=Dz4Mm_RE2to
- et un tutorial en anglais pour les amateurs : https://www.youtube.com/watch?v=RbGMiBFkErM