Daphné du Maurier, une écrivaine à (re)découvrir

Le nom de cette romancière est plus célèbre que son œuvre, dont une part notable a pourtant été adaptée au cinéma. On pourrait de ce point de vue la rapprocher de Patricia Highsmith. Daphné du Maurier est née en 1907 à Londres. Elle est issue d’une longue lignée d’artistes célèbres : écrivains, dessinateurs et acteurs. Ses origines françaises remontent à son grand-père, qui était un ami d’Henry James. Daphné est d’abord actrice, comme sa mère, avant d’entamer une carrière d’écrivain, dans laquelle elle remporte assez rapidement le succès. En 1932, elle épouse un militaire de haut rang, qui commandera des troupes aéroportées en 1944 et sera anobli. Daphné fut anoblie à son tour en 1969. Elle mourut à Par en Cornouailles, tout près de Menabilly, le 15 avril 1989.

Daphné du Maurier et son mari le Lieutenant-Général Sir Frederick Browning devant le manoir de Menabilly (cliché publié par le Woman’s Journal, septembre 1950)

Son œuvre romanesque, qui comprend des romans historiques, des thrillers et des nouvelles  proches du fantastique, présente souvent une tonalité gothique, qui s’exprime dans les décors : le mythique château de Manderley (où se déroulent les récits de « Rebecca » et du « Général du Roi ») est une transposition du château de Menabilly en Cornouailles où du Maurier s’installa de 1943 à 1969. La fascination exercée par ces lieux lui inspira un des plus célèbres incipits de la littérature et du cinéma : « Last night I dreamt I went to Manderley again » (« La nuit dernière j’ai rêvé que je retournais à Manderley »). Ce sont ces éléments ténébreux qui ont sans doute séduit Hitchcock, qui a adapté successivement trois œuvres de Daphné du Maurier : en 1939 « La Taverne de la Jamaïque » (Jamaica Inn), à partir du roman publié en 1936, en 1940 « Rebecca », à partir du roman paru deux ans plus tôt, et « Les Oiseaux» (The Birds ) en 1963 à partir d’une nouvelle publiée en 1952. Ces adaptations se sont parfois suffisamment éloignées des ouvrages originaux pour que l’écrivaine émît des réserves sur le travail du cinéaste. Le roman « Ma cousine Rachel » (My cousin Rachel), paru en 1951, a également fait l’objet d’adaptations cinématographiques, la première par Henry Koster dès 1952, la dernière en 2017 par Roger Michell, le réalisateur de « Coup de foudre à Notting Hill » (Notting Hill). On peut encore citer, parmi la douzaine de longs-métrages inspirés par la romancière, « Ne vous retournez pas » (Don’t look now) de Nicolas Roeg, sorti en 1973 et adapté de la nouvelle éponyme parue en 1971 dans le recueil « Pas après minuit » (Not after midnight).

Photogramme extrait de Jamaica Inn, avec Charles Laughton et Maureen O’Hara

C’est la bisexualité de Daphné du  Maurier qui fournit la clef de son œuvre. Sa première relation homosexuelle remonte à sa jeunesse à Paris, où elle s’éprit de sa directrice d’études ; par la suite elle tomba amoureuse d’Ellen Doubleday, l’épouse de son éditeur états-unien et eut une liaison amoureuse avec l’actrice anglaise Gertrude Lawrence. La complexité de ses rapports aux hommes et la difficulté d’assumer ses aspirations transparaissent dans le roman « Rebecca » (dans la relation entre Madame Danvers et Rebecca) et dans une nouvelle de jeunesse « The Doll ». Les deux sœurs de l’écrivaine, Angela et Jeanne, étaient homosexuelles. Un téléfilm britannique de Clare Beavan (Daphne), sorti en 2007, est consacré à la vie de Daphné du Maurier ; Elisabeth Mc Govern, connue des plus jeunes pour avoir tenu le rôle de la comtesse de Crawley dans la série Downton Abbey, y interprète Ellen Doubleday. Trente ans après sa mort, Daphné du Maurier n’a pas fini d’inspirer les cinéastes puisqu’un remake de Rebecca, dirigé par Ben Wheatley avec Armie Hammer et Lily James -une autre actrice de Dowton Abbey– est en cours de production par Netflix.

Daphné du Maurier inspire encore les réalisateurs (édition de poche de My Cousin Rachel, 2017)

Un petit musée des contrebandiers a été ouvert dans l’auberge de la Jamaïque à Bodmin Moor (Bolventor) en Cornouailles, lieu de tournage du film d’Hitchcock : https://www.jamaicainn.co.uk/cornwall-museum

Pour en savoir plus :

  • Daphné Du MAURIER : Myself when young, the Shaping of a Writer. Virago Press, 2004.
  • Daphné Du MAURIER : The Rebecca Notebook and Other Memories. Little, Brown and Co, 2013, 192 pages.
  • Tatiana De ROSNAY : Manderley for ever, éditions Albin Michel/Héloïse d’Ormesson, 2015, 466 pages (paru dans le Livre de poche en 2016).

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